Rencontre avec Pierre-Emmanuel Saint-Esprit, directeur de l’économie circulaire du groupe Manutan.

Janvier 24, 2025
Pierre-Emmanuel Saint-Esprit, directeur Economie Circulaire Groupe Manutan, directeur Exécutif de la Chaire Economie Circulaire de l'ESSEC, président EC2027. Forbes 30 Under 30 et Choiseul100.
Pierre-Emmanuel Saint-Esprit, directeur Economie Circulaire Groupe Manutan, directeur Exécutif de la Chaire Economie Circulaire de l'ESSEC, président EC2027. Forbes 30 Under 30 et Choiseul100.
Pierre-Emmanuel Saint-Esprit est à la tête de la transformation de Manutan vers l’économie circulaire. Dans cette interview, il nous partage son regard sur l’impact de l’art dans l’engagement environnemental et sociétal de l’entreprise.
"L’art nous aide à reconsidérer la valeur des objets et des ressources"

 

Quel lien établissez-vous entre l’art et l’engagement sociétal des entreprises ?

L’art peut nous aider à repenser nos modes de consommation et à réhabiliter la valeur des objets et des ressources. C’est un outil qui peut nous pousser à faire mieux pour nos collaborateurs et pour la planète. Je crois beaucoup au pouvoir de l'art pour faire prendre conscience de certains messages, notamment écologiques. 

 


 

Pouvez-vous partager des exemples de collaborations artistiques menées par Manutan ?

En prémisse, chez ZACK, j’ai mis en place un projet avec l’artiste Rémi T. qui travaille à partir de déchets électroniques pour faire des œuvres d'art. Puis ensuite chez Manutan : 

 

  • Une exposition sur l’économie circulaire à Paris menée à l’initiative de The Caring Gallery : intitulée  Encore et Encore, elle réunissait neuf artistes français et internationaux qui se sont emparés de cette notion de cycle et durabilité. Pour cette occasion, 10% des ventes ont été reversés à  l’Association Ateliers Sans Frontières, du Groupe Ares

Les artistes William Amor, Manon Pellan, Liu Bolin, Florent Lamouroux, Bertrand Planes, Sim Marek, Léa Barbazanges, Daniela Busarello & Sabrina Ratté se sont emparés de la notion de l'économie circulaire lors de l'exposition "Encore et Encore". Photo du vernissage de l'exposition avec de gauche à droite Pierre-Emmanuel Saint-Esprit, Brigitte Chanut Directrice des ASF, des invités et Florence Manuguerra fondatrice de The Caring Gallery

 

  • Le projet le plus fort et illustratif reste une œuvre de Liu Bolin exposée dans l’entrée de notre siège social : suite à l'exposition citée plus haut, le directeur général de Manutan, Xavier Guichard, a décidé d’acheter une œuvre du photographe Liu Bolin pour les collaborateurs. Dans cette œuvre, l’artiste est enfoui sous les vélos rouges. On n'arrive pas à le trouver parce qu'il est sous un amoncellement de déchets. C'est marquant et ça porte un message. Le fait de dire, on prend des déchets, on en fait une œuvre d'art qui d'un coup vaut beaucoup, ça montre que la valeur doit être repensée ainsi que la durabilité des produits.

“Nous avons fait le choix que l'œuvre se trouve dans le hall d'accueil du siège social pour que chacune et chacun des collaborateurs puissent en avoir connaissance, être interpellé, réagir.”

Oeuvre "Little yellow bicycles" de l'artiste Liu Bolin, 2018 © courtesy Liu Bolin & Galerie Paris-Beijing, France

 

Quels sont, selon vous, les bénéfices de ces collaborations ?

Ces initiatives n’ont pas pour but premier de projeter une image publique mais de mobiliser en interne. L’art, selon moi, agit comme un levier pédagogique puissant. C’est utile pour l'économie circulaire, qui vise à remplacer l'économie de demain, mais qui, aujourd'hui, représente seulement 7% de l'économie. On a besoin un peu de choquer, de marquer pour montrer l'intérêt du développement de cette économie et l'absurdité du modèle actuel.  

“Une œuvre peut faire passer un message écologique bien plus efficacement qu’une slide de présentation. Elle marque les esprits et pousse à la réflexion.”

Les bénéfices vont au-delà de la sensibilisation donc. Ces collaborations artistiques renforcent l’engagement des collaborateurs en leur offrant une expérience unique et signifiante. Elles permettent aussi d’initier des conversations autour de la valeur des objets, souvent perçus comme des déchets, et de promouvoir une vision durable.
 
Si je reprends l'œuvre de Liu Bolin, son message est de montrer le délire de l'amoncellement des déchets. On n'est pas dans l'œuvre d'art qui veut quelque chose de beau mais qui porte un message, qui dénonce voire qui dérange.  
 

 

Comment voyez-vous l’avenir des collaborations entre artistes et entreprises ?

L’avenir des collaborations artistiques pourrait inclure des projets liant art et formation des collaborateurs, ou encore des partenariats avec des artistes émergents. À titre personnel, j’aimerais conduire un projet qui soutient des artistes, notamment ceux ayant peu de moyens, mais qui véhiculent un message fort sur l’économie circulaire. L’idée serait de coupler ce projet artistique à un programme de formation et de conférences, pour permettre aux collaborateurs de mieux comprendre l’économie circulaire à travers l’art.

 


 

Quels sont les principaux défis liés à ces projets ?

Pour moi le principal défi consiste à s'assurer qu’un projet artistique s'aligne avec les objectifs stratégiques de son entreprise. Il est essentiel de démontrer que des collaborations de ce type renforcent les engagements de l’entreprise. Chez Manutan notre raison d’être c’est "Better Planet, Better Society, Better Business". Par exemple, sur l'axe inclusion, nous finançons déjà de nombreuses initiatives notamment via le sport. L'idée pourrait être d'explorer comment l'art peut aussi devenir un levier pour soutenir ces actions, en créant des ponts entre inclusion et création artistique. 
 

 

Comment la plateforme The Caring Gallery peut, selon vous, aider plus d’entreprises à initier des collaborations avec les artistes ?

La plateforme The Caring Gallery pourrait jouer un rôle clé en facilitant ces projets, notamment par le “matching” entre artistes et entreprises selon leurs engagements communs. 

“Rencontrer le bon artiste, comprendre sa vision, ça change tout. C’est là que la magie opère.”

Je pense que les fonctionnalités essentielles, c'est de pouvoir trier par engagement pour trouver tous les artistes qui permettent d'illustrer un engagement précis comme l'économie circulaire, l'inclusion etc. Avec ensuite des rankings sur les prix, les différents budgets. Et évidemment, juste derrière une facilitation des rencontres. 

 
Propos recueillis par Elodie Cans.
 

 


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