Dans ce nouvel épisode, The Caring Gallery donne la parole à un homme du 7e art : Jean-François Camilleri. Tout son parcours dit son engagement pour des films esthétiquement beaux, de véritables créations, et dont les messages ne laissent pas indifférents. Les images et les récits peuvent faire prendre conscience des dysfonctionnements et des travers de notre monde. Ils peuvent aussi nous inciter à agir pour bâtir un avenir meilleur pour tous. C'est tout le sens du témoignage de Jean-François Camilleri. Alors écoutons, regardons et agissons.
SON PARCOURS
Jean-François Camilleri est un homme de cinéma. Il a occupé diverses responsabilités au sein de The Walt Disney Company France, jusqu'à celle de directeur général. En 2008 il crée le label Disney Nature, dédié aux documentaires sur la faune, la flore et l'environnement. Ce label s'est imposé comme une référence en matière de films environnementaux, produisant quelques merveilles à l'échelle mondiale, parmi lesquelles Chimpanzés, Océans ou encore La marche de l'empereur. Il décide de poursuivre son engagement pour un cinéma à impact en président aujourd’hui Echo Studio.
« Qu’est-ce que je peux apporter? Qu'est-ce que je peux faire pour que, en travaillant avec de bons réalisateurs, scénaristes et comédiens, on puisse faire de très bons films qui aient de l'impact ? »
UN MONDE MEILLEUR
« Pour construire un monde meilleur, il faut se baser sur le respect : le respect de soi-même, des autres, de la nature. Si l'homme respecte ses congénères et s'il respecte la planète, les problèmes de droits de l'homme, de violence et d'environnement disparaissent. »
A l’image du colibri, comme le dit Charles-Marie Leconte de Lisle, qui éteint l’incendie goutte à goutte, chacun doit apporter sa goutte, sa pierre à l’édifice. Celle de Jean-François Camilleri est donc celle du cinéma par lequel il souhaite sensibiliser le public, que ce soit sur une tablette, à la télévision ou au cinéma.
« Je trouve que dans l'urgence dans laquelle nous sommes, on ne peut pas se permettre de ne pas apporter du sens à ce qu'on fait. Pour moi, c'est absolument essentiel d’y croire. Je crois qu'aujourd'hui, de plus en plus, la notion d’un monde meilleur n’est pas un sujet de rêveur, mais c'est un sujet aussi économique. »
LES DEBUTS : DISNEY NATURE
“En 2005/2006, il était nécessaire de montrer la planète telle qu’elle était, d’offrir au public non pas uniquement des images de fiction et des séries pour adolescents mais de faire passer des messages forts à travers des images fortes.”
Jean-François Camilleri a donc créé Disney Nature, avec cette signature inspirante : « La nature invente la plus belle des histoires. »
« J'espère que sur les 10 ou 100 millions de personnes qui ont pu voir ces films, il y en a 1000 dans le monde dont ça a changé la vie parce qu'ils ont décidé de devenir photographe de nature, vétérinaire, biologiste, ou bien militant. »
Avec Yves Darondeau et Emmanuel Priou, Jean-François Camilleri produit le film La marche de l'empereur qui a connu un immense succès auprès du public et de la critique, en France et à l’étranger (un Oscar, un César et une Victoire de la musique). C’est à ce moment-là que Jean-François Camilleri entraperçoit l’impact du cinéma, la force de l’image et du récit.
« Les spectateurs ont été amenés dans un endroit qu’ils ne connaissaient pas ou peu, ou qu’ils n’imaginaient pas puisqu'on ne peut pas y aller, et la beauté du film a inspiré, a déclenché des choses fortes. On comprend la fragilité du monde et l'incroyable force de la nature à travers une histoire que personne n'aurait pu imaginer et que la nature a inventée. »
LE CINÉMA D’IMPACT
Depuis plusieurs années, de plus en plus de films - et pas uniquement des documentaires mais aussi des films de fiction - traitent de sujets de société importants.
En 2006, Indigènes de Rachid Bouchareb a eu un réel impact sur la vie de dizaines de milliers de retraités combattants venant du Maghreb. Après avoir vu le film, Dominique de Villepin et Jacques Chirac ont décidé de changer la loi et de faire en sorte que tous les combattants du Maghreb qui sont venus combattre pendant la Seconde Guerre mondiale aient accès à la retraite comme leurs homologues français. Bien que le réalisateur n’ait pas fait ce film pour changer la loi, il est devenu un outil politique qui a changé le monde tant l’impact a été grand.
« Aujourd’hui, il y a cette prise de conscience que le cinéma peut être utile à la société, qu’il peut avoir de l'impact. Ainsi, le spectateur qui a été inspiré par un film et qui a découvert un sujet qu'il ne connaissait pas, a été spectateur et va peut-être devenir acteur. »
Ce ne sont pas seulement les professionnels du cinéma qui font l’impact, mais aussi les spectateurs : certains films vont faire 200 000 entrées au cinéma, mais
lorsqu’ils passeront sur une grande chaîne en feront un million et demi. Il ne faut jamais s'arrêter à une première campagne d’impact. C’est un travail de longue haleine car le sujet va peut-être évoluer dans la société et s’adapter.
« Mon objectif premier, c'est de faire un bon film. Car il aura de l'impact si c’est un bon film. C’est la différence avec le projet politique qui oublie sa fonction première, qui oublie d’être un bon film et qui est purement militant. Si le film n’a cinématographiquement aucun intérêt, on passe complètement à côté du message car on se lasse. »
LE PROCHAIN FILM À IMPACT D'ÉCHO STUDIO
Le film documentaire Marcher sur l'eau, premier long métrage d’Aïssa Maïga. Ce film d’auteur raconte l'histoire d'un village au Niger qui n'a pas accès à l'eau et qui va se battre pour qu'un puits soit creusé.
« C'est un film important sur le sujet de l'accès à l'eau. Ce sont les filles qui vont généralement chercher l'eau des puits qui sont à des kilomètres et elles ne vont donc pas à l'école. Le jour où un forage arrive dans un village, les filles retournent à l'école et l'éducation des femmes permet tout un ensemble social qui se met en place. »