Avec cet épisode, The Caring Gallery propose une plongée au coeur de la création d'une nouvelle école de design et du parcours de son fondateur, Dominique Sciamma. Son ambition est de former les jeunes générations pour qu'elles soient prêtes à affronter les défis du monde contemporain et à le transformer de façon vertueuse. Avec comme seule arme : l'éducation.
Dominique Sciamma est le fondateur de la toute nouvelle CY Ecole de Design, une école de la transition destinée à répondre aux défis du XXIème siècle. Née de l’observation des crises écologiques et sociales qui agitent notre monde aujourd’hui, cette nouvelle école réinvente le modèle des écoles de design publiques en France. Le programme élaboré par Dominique croise de nombreuses disciplines. Foisonnant et divers comme son parcours professionnel, il répond à tous les enjeux que le monde dresse devant les jeunes designers.
Son parcours
Dominique Sciamma a occupé de nombreuses fonctions extrêmement diverses dans sa carrière : tour à tour chercheur en intelligence artificielle, auteur de logiciels, consultant en résolution de problèmes complexes, directeur des éditions électroniques de La Tribune, scénariste de BD et de jeux vidéo, directeur de Strate Ecole de Design, et tout récemment, directeur de CY Ecole de Design. Une école de la transition destinée à répondre aux défis du XXIème siècle.
Une école de design d’un genre nouveau
Dominique Sciamma a imaginé CY Ecole de Design en partant de ses observations et de sa sensibilité.
« C’est quoi un designer au XXIème siècle ? C’est un homme ou une femme cultivé(e). »
Avec cette nouvelle école, il réinvente le modèle des écoles de design publiques en France. L’existence même de ce projet est une critique vis-à-vis des fonctionnements actuels des autres écoles de design : elle n’est pas dirigée par un modèle financier et assure un cursus réellement professionnalisant aux étudiants. De plus, le programme élaboré par Dominique croise de nombreuses disciplines. Foisonnant et divers comme son parcours professionnel, il répond à tous les enjeux que le monde dresse devant les jeunes designers et se compose de sept piliers : la culture, le travail de représentation, la création, les sciences-humaines et sociales, la collaboration et la résolution de problèmes, le fonctionnement d’une organisation humaine et enfin la professionnalisation.
« Nous allons donner aux étudiants de la culture, de l'histoire de l'art, de l'histoire du design, une culture technologique et scientifique, une culture du soi et du vivant, une culture de la complexité, de l'écriture narrative, une culture documentaire et de recherche, une culture créative. »
“ Comment pouvoir prétendre intervenir dans la vie des gens sans avoir les outils pour le faire ? Or, ce sont les sciences humaines et sociales qui permettent d’agir à ce niveau-là. Dans notre école, on va faire de la sociologie, de l’anthropologie, de la philosophie, de la psychologie, de l'économie et des sciences politiques. On va faire 250 heures de sciences humaines et sociales, et nous serons la seule école de design à le faire. On va essayer de toucher du doigt la spécificité de ces disciplines en allant sur le terrain. Par exemple, nous étudierons la psychologie en allant à l'hôpital de Pontoise.”
Un monde à sauver
« La crise du Covid a été un accélérateur exceptionnel de prise de conscience. Je pense que le projet politique émancipateur des Lumières nourri du cartésianisme est insuffisant, c’est une impasse.»
Pour Dominique Sciamma, les crises que nous vivons ne sont pas insurmontables, au prix de sacrifices, de cicatrices sans doute :
“On va s'en sortir, peut être en décidant d'abandonner le modèle érigé à partir de la révolution industrielle et sublimé par la société de consommation, qui est un modèle de séparation.”
« Nous sommes dans un monde qui est en dehors de nous et qui ne nous appartient pas, dans lequel nous devons nous inscrire. Parce que oui, nous sommes là, nous sommes nombreux, nous nous multiplions, nous en jouissons, mais aussi nous le dégradons. Comment faire en sorte que cette jouissance se perpétue sans dégrader? »
« La cause des femmes, des injustices sociales, la colère des jeunes, tout d'un coup, sont systémiques. C'est là qu'on voit bien que tout ceci est lié, que les femmes sont violentées au même titre que la nature l'est. Ça relève du même rapport au monde qui est un rapport brutal. »
La fin de l’insouciance
« Je suis l'enfant de la société de consommation et de la révolution industrielle. Je suis aussi l'enfant d'une époque qui a cru qu'il y avait une solution à tout, qu’il n'y avait aucune impasse et qu'il y avait toujours la possibilité de trouver un chemin, y compris face aux terribles adversités. »
Dominique Sciamma souligne que nous vivons une situation complexe où la jeunesse a changé de nature à cause des imaginaires qui lui sont aujourd’hui proposés, qui favorisent le cynisme, la fuite ou encore l’angoisse pure.
Chaque jour auprès d’étudiants, il remarque à quel point la jeunesse actuelle est violentée dans ses imaginaires, en contraste à la jeunesse à laquelle il a appartenu et dont les imaginaires ne connaissaient aucune limite : seulement l’abondance de la consommation. Il constate qu'alors qu'il a connu une forme d'insouciance, une sorte de détachement, la jeunesse d’aujourd’hui est plus politisée : responsabilisée, elle dénonce l’héritage de « l’ancien monde » dont les jours radieux promis ont mal tourné.
Le rôle des artistes
Pour Dominique Sciamma, les artistes ont un rôle immense à jouer dans notre société en tant qu’esprits et créateurs libres, et bien qu’ils ne soient pas là pour produire un discours politique, ils peuvent y contribuer. Pour Dominique, bien qu’ils possèdent une pensée politique, leur rôle premier est d’ouvrir des portes, de provoquer, de sortir les autres de leur zone de confiance, de les mettre mal à l’aise. Les artistes ont un grand rôle de déstabilisateur.
« Les artistes ne sont pas là pour nous rassurer, ils sont là pour nous inquiéter. Ils sont là pour foutre le bordel. »