PODCAST : VISITER LES MUSÉES POUR ALLER MIEUX

NATHALIE BONDIL, DIRECTRICE DU MUSÉE ET DES EXPOSITIONS DE L'INSTITUT DU MONDE ARABE
Juin 1, 2021

Nathalie Bondil a été la première femme à diriger le Musée des Beaux-Arts de Montréal. Elle vient d'être nommée directrice du musée et des expositions de l'Institut du Monde Arabe (IMA). Pour elle, l'expérience culturelle contribue à nous soigner, comme la pratique du sport contribue à notre forme physique. C'est à Nathalie Bondil que l'on doit le terme de musée thérapeutique et les premières prescriptions médicales muséales. 

Dans ce podcast, elle nous livre sa vision humaniste des arts qu'elle définit comme « cette connaissance sensible du monde qui fait que nous sommes pleinement humains » et sa vision du rôle crucial des musées : « on va dans un musée, on offre du temps de cerveau disponible et très précieux. Pouvoir éteindre les écrans, se déconnecter pour se reconnecter à un autre choisi. Laisser aller la petite musique que l'on porte en soi, qui nous fait aller d'une pensée à une autre. »

Avec Nathalie Bondil, The Caring Gallery propose un échange passionné sur les arts, formidables déclencheurs de notre intelligence émotionnelle, intelligence du sensible qui nous aide à décrypter le monde. Grâce aux arts, nous pouvons voyager et devenir "des citoyens et citoyennes du monde. »

Nathalie Bondil est au micro de The Caring Podcast, tenu par Marine Birot et Marine Ulrich d’Artistik Bazaar. À découvrir aussi via notre synthèse écrite.

 

 

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Son parcours

 

Nathalie Bondil est franco-canadienne, née à Barcelone. Conservatrice de formation, elle a fait ses classes à l'École du Louvre, puis à l'École nationale du patrimoine à Paris avant de rejoindre le Canada. Elle a été la première femme nommée à la direction du Musée des Beaux-Arts de Montréal. Pour elle, l'expérience culturelle contribue à nous soigner, comme la pratique du sport contribue à notre forme physique. C'est à Nathalie Bondil que l'on doit le terme de musée thérapeutique et de prescription médicale muséale. Elle vient d'être nommée directrice du musée et des expositions de l'Institut du Monde Arabe.

 

La pluralité du monde arabe

 

Très prochainement, Nathalie Bondil mettra en place des projets en tant que nouvelle directrice du musée et des expositions de l'Institut du Monde Arabe. La collection du musée est spectaculaire grâce à diverses donations, comme celle d’art moderne et contemporain de Claude Lemand. Le musée sera repensé : aujourd’hui, son parcours est plutôt anthropologique, historique et ethnologique. Pour la nouvelle directrice, l’enjeu est de montrer à tous la richesse des mondes arabes. 

« Il y a en fait une méconnaissance de la diversité des mondes arabes. Souvent, on a une approche très monolithique du monde arabe, alors qu'il est incroyablement pluriel, que ce soit dans le passé ou dans le présent. Une scène foisonnante de créativité et un langage de la modernité, que l'on connaît moins, vont pouvoir être montrés et exposés dans ce futur musée. » 

 

L’art

 

“Cette connaissance sensible du monde fait que nous sommes pleinement humains.”

 

Pour Nathalie Bondil, l’art et la culture sont nécessaires à tous et il semble encore plus nécessaire d’y ouvrir les jeunes en éveillant leur curiosité, en les incitant à voyager :

« [L’art] c'est à la fois une façon de découvrir des mondes esthétiques et des imaginaires extraordinairement divers. Par les arts, on touche à la politique, à l'histoire, à la géographie, à l'ethnologie. »

L’art réveille l’intelligence émotionnelle, l’intelligence du sensible qui amène à la connaissance du monde. L’expérience culturelle ne se limite pas aux livres qui ne suffisent pas à l’apprentissage : la musique, les arts visuels, la danse, le cinéma, la contemplation de la nature, qui est quelque chose qui s’apprend enfant, sont tout aussi importants. Les voyages permettent de se nourrir et de grandir. L’idée n’est pas de partir à l’autre bout du monde, mais de voyager grâce aux arts, grâce à tous les arts :

«  Le voyage c’est de se décentrer, de quitter notre vue nombriliste : être des citoyens et citoyennes du monde. »

 

Faire l’expérience de l’art et du musée, est un temps à part, c’est un voyage immobile, en soi et autour du monde. C’est une expérience différente du monde en comparaison à ce que le public peut vivre chaque jour :

« Quand on va dans un musée, on offre du temps de cerveau disponible et très précieux. Pouvoir éteindre les écrans, se déconnecter pour se reconnecter à autre chose. Laisser aller la petite musique que l'on porte en soi, qui nous fait aller d'une pensée à une autre. »

 

L’art est thérapeutique

 

Beaucoup de médecins utilisent les arts pour que des enfants traumatisés puissent faire ressortir leurs émotions. L’art permet de conceptualiser l’émotion, au travers de dessins, de chants, etc., permettant ainsi de donner des clés qui amènent au bien-être avec soi et avec les autres. Ces phénomènes physico-chimiques permettent de se comprendre soi-même, de communiquer avec les autres. 

 

« [C’est fondamental de] trouver la façon de comprendre ce qui nous anime. Le verbe animer, ça vient de anima, c'est l'âme. C'est vraiment ce qui nous inspire et écouter et prendre le temps de changer. Ce n'est jamais se tromper. C'est tout simplement avancer comme un enfant qui apprend à marcher. »

 

L’art, c’est s’émerveiller chaque jour dans son quotidien. Ce concept est assez commun chez les professionnels qui travaillent dans le secteur des arts ou chez les artistes. Mais ce n’est pas quelque chose de concret ou une clé utilisée par tout le monde. C’est pourquoi il est important de s’intéresser aux publics, à tous les types de publics, d’aller chercher ceux qui ont le moins accès à l’art, à la culture, aux clés. 

 

« On peut leur dire que le plaisir que l'on peut avoir à partager un bon repas, à admirer une assiette bien composée, c’est le même plaisir qu’ils peuvent retrouver en allant dans un musée. Parce que pour moi, la cuisine, c'est aussi un art esthétique. ».

 

L’art sur ordonnance

 

Alors que Nathalie Bondil était directrice du Musée des Beaux-Arts de Montréal, elle a mis en place la prescription, établie par un médecin, de visiter le musée. Puisqu’il était possible de donner des prescriptions pour faire de l'exercice physique, pour faire du sport, notamment pour s’entretenir ou en cas de convalescence, il a paru naturel et important à Nathalie Bondil de pouvoir aussi aller dans des musées sur ordonnance. Elle a alors mis en place de nombreux projets avec des groupes de personnes qui étaient atteints de différents troubles de la santé, comme la dépression ou l’anorexie.

Ce projet a vu le jour grâce au directeur du service éducation, Thomas Bastien, et à l'Association francophone des médecins du Canada. L’initiative a été supportée par le ministère de la Santé de la province du Québec de France.

 

Certes, la visite de musée ne peut pas substituer à la médication, à la médecine dure. Mais l’art vient en complément de cela. L’art permet aux médecins d’amener du réconfort, d’apporter un conseil. Il devient un outil aussi bien pour le médecin que pour le patient. 

 

Nathalie insiste sur l’importance de s’entourer de professionnels de la santé, d’associations, de nombreux partenaires qui ont une connaissance de ces sujets-là, et qui permettront d’œuvrer dans un esprit de co-création. Cette diversité des regards, ce travail collaboratif, permet de répondre à des questions comme « comment créer du lien avec le public ? » Il est nécessaire de s’entourer ainsi des bons interlocuteurs pour pouvoir faire une médiation à des publics aux problématiques particulières, comme par exemple à des personnes atteintes de troubles autistiques. Et dans ces cas-là, on doit éviter certains types d'œuvres d'art ou des ambiances trop agressives. 

 

"Les thérapies par l'art, comme la musicothérapie, peuvent constituer un soin qui vient en support de toute l'approche médicale."

 

© Photo : Max Abadian

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