Conversation avec Clémence Vazard, artiste engagée pour les droits des femmes et de la nature.

Pouvez-vous nous parler de votre parcours et de ce qui vous inspire dans votre travail ?

Je viens d’une famille de littéraires. Petite, avec tous ces livres dont j'étais entourée, je me suis approprié un langage artistique grâce au collage. Je transformais des images, issues de magazines ou de vieux livres, en créations qui réinventent la représentation du féminin. Dès l’enfance, cette pratique était à la fois une façon de récupérer des matériaux (upcycling) et une exploration engagée.

En 2016, j’ai réalisé un projet marquant qui préfigure le mouvement #MeToo. J’ai offert à des femmes un espace pour raconter leurs premiers souvenirs de harcèlement, en réalisant des portraits physiques et sonores de leurs témoignages. Ce projet a été exposé pour la première fois quelques jours avant que l’affaire Weinstein ne déclenche une vague mondiale. 

“Cette démarche participative, transdisciplinaire et engagée constitue la trame de mon travail.”

Mon parcours a ensuite évolué avec un master en Art and Science à Central Saint-Martins. J’y ai exploré des techniques comme la teinture végétale et ouvert mon univers artistique aux textiles. Depuis, je travaille exclusivement avec ce médium, qui offre des possibilités infinies. 

Quelles causes vous tiennent particulièrement à cœur ?

“Je suis éco-féministe. Mon engagement repose sur les droits des femmes et ceux de la nature.” 

A travers mes œuvres, j'offre des moyens d’expression participatifs, en créant des espaces bienveillants où s'ouvrir sur des sujets de justice sociale et environnementale. Le public n’est pas seulement observateur de mes œuvres, il participe à leur création. Par exemple, en 2021, en résidence au Mexique, j’ai collaboré avec une artiste transgenre pour qu’elle pose en tant que Vierge de Guadalupe et ainsi ouvrir la discussion autour de la question des genres. 

 Oeuvre Inmaculadxs en vitrine de l'Institut Culturel du Mexique.

Plus récemment, en Amazonie équatorienne, j’ai réalisé une œuvre textile collective de 20 mètres en travaillant avec plus de 300 personnes des communautés locales, autour de la teinture naturelle. Ça a été une manière de transmettre les un.e.s aux autres, de réunir des personnes qui ne se mélangent pas généralement et d’honorer la nature qui nous entourait.

Oeuvre collective Palabras del Amazonas durant un atelier 

Quels impacts constatez-vous auprès du public ?

Mes œuvres génèrent souvent des émotions profondes. J’ai beaucoup de retours de gens qui viennent et qui sont intimement touchés. L’art permet une compréhension émotionnelle directe, il ouvre des perspectives ou aide à mieux saisir des enjeux comme les droits de la nature et des femmes. En plus de cela, l’aspect participatif de mes projets crée des liens durables entre les participants, renforçant le pouvoir collectif et l’échange. Ca tisse des liens !

Avez-vous déjà collaboré avec des entreprises ?

Oui, j’ai déjà réalisé de nombreuses collaborations et elles sont toujours enrichissantes. En 2023, j’ai par exemple animé un workshop d’upcycling pour Van Cleef & Arpels, sensibilisant leurs équipes, environ 30 collaborateurs internationaux de la marque, à la seconde vie des matériaux. 

Workshop avec les collaborateurs et collaboratrices Van Cleef & Arpels

J’ai également fait une série d’ateliers de collage pour l’Assurance retraite (CNAV, Carsat..) ou le Louvre-Lens. Ce sont des ateliers de type vision board pour visualiser l’année, les objectifs, de façon collective et personnelle. C’est un format qui fonctionne très bien pour les entreprises.

Aussi, il y a eu une exposition virtuelle de #monpremierharcelement pour une collaboration avec In Extenso dans la cadre d’octobre rose et de leur engagement pour la santé des femmes.

« Chaque projet avec une entreprise permet de connecter créativité, engagement et transmission. »

Quel impact, selon vous, cela a eu sur les entreprises ?

C'est différent en fonction des marques et des contextes mais je retiens que cela apporte beaucoup d’émotions positives, de joie, de curiosité. Cela permet aux collaborateurs d’avoir des conversations qui n’ont pas forcément de place dans les endroits de l’entreprise ou dans le cadre du travail.

 Atelier avec la Galerie du 19M © Kelly Costiglio  

Quel rôle peut jouer la plateforme initiée par The Caring Gallery dans ces collaborations ?

Elle répond à un besoin essentiel : créer des passerelles entre artistes et entreprises. Elle pourrait permettre une sorte de médiation culturelle et à la fois une facilitation logistique qui est précieuse pour développer des projets. Toujours en restant en résonance avec nos engagements mutuels.

Quels projets souhaiteriez-vous développer avec les entreprises via la plateforme ?

J’adorerais créer des œuvres textiles collaboratives au sein des entreprises, en impliquant leurs collaborateurs. Par exemple, ça peut être pour des entreprises dont les collaborateurs travaillent à différents endroits, et on pourrait faire comme Palabras del Amazonas où j'ai rassemblé les œuvres créés dans différents villages en une œuvre collective. Également, je travaille actuellement sur les eaux de Camargue pour explorer leurs identités à travers la couleur, et ce type de projet pourrait s’intégrer parfaitement dans une collaboration avec des entreprises sensibilisées à l’eau. Je propose différents niveaux de projets :

• Des interventions pour des conférences ou des tables rondes sur des sujets qui concernent les droits des femmes, les artistes femmes et les droits de la nature. 

• Des expositions d'œuvres, physiques ou digitales, permettant d'explorer des thématiques engagées.

• Des ateliers participatifs, comme des sessions de collage ou de création de vision boards, destinés à stimuler la créativité des participants tout en abordant des thématiques fortes.

Je m'adapte aux besoins et aux moyens des projets pour offrir des expériences enrichissantes et impactantes.

 Propos recueillis par Elodie Cans.